Réduire l’empreinte carbone d’un chantier : une réalité à portée de béton
Réduire l’empreinte carbone d’un chantier peut sembler être un défi colossal, presque contradictoire avec la nature même du bâtiment. Pourtant, avec les bons choix dès la phase de conception et un zeste d’engagement, il est tout à fait possible de limiter significativement l’impact environnemental d’un projet. En tant que passionnée d’architecture d’intérieur et née dans le concret des chantiers, je vous propose ici des pistes pragmatiques, testées et approuvées sur le terrain.
Tout commence par la conception
Optimiser un chantier bas carbone, c’est avant tout réfléchir en amont. Avant le premier coup de pelle, posez-vous les bonnes questions : A-t-on vraiment besoin de construire neuf ? Peut-on rénover, transformer, mutualiser ? Le bâtiment le plus écologique reste celui que l’on ne construit pas.
Si l’on doit construire, alors chaque choix compte : les matériaux, les volumes, l’orientation, la compacité du bâti… moins de surface construite, c’est moins de matériaux, moins d’énergie grise, et donc moins de CO₂.
Un mot d’ordre : sobriété. Le minimalisme ne se limite pas à la déco intérieure – il commence déjà sur les plans de votre architecte.
Choisir des matériaux écoresponsables
Les matériaux représentent une part d’émission colossale sur un chantier. Il est donc crucial de les sélectionner avec soin. Voici quelques pistes :
- Privilégier les matériaux biosourcés : bois, chanvre, paille, liège… Ces ressources renouvelables stockent plus de carbone qu’elles n’en dégagent. Un mur en ossature bois isolé en ouate de cellulose peut devenir un véritable puits de carbone !
- Réutiliser et recycler : pierre de récupération, briques anciennes, carrelages revalorisés… Le matériau le plus vert, c’est souvent celui qui a déjà vécu. En plus, il apporte du cachet !
- Éviter les matériaux très énergivores : béton, aluminium ou acier sont des champions des émissions de CO₂. Si leur usage est incontournable, optez pour des versions bas carbone (comme le béton à clinker réduit ou l’acier recyclé).
Le sourcing local, lui aussi, joue un grand rôle. Moins de kilomètres parcourus, c’est moins de camions sur les routes et de carburant brûlé.
Optimiser la logistique de chantier
On parle souvent de ce qui est construit, moins de la manière de construire. Pourtant, un chantier mal organisé peut coûter cher… en euros et en carbone.
Voici quelques leviers d’optimisation :
- Limiter les trajets : centraliser les livraisons, planifier les allées et venues, regrouper plusieurs tâches sur une même journée… Chaque déplacement évité, c’est du CO₂ en moins.
- Miser sur des engins et outils adaptés : des machines électriques ou hybrides commencent à faire leur apparition sur les chantiers. Ce n’est pas encore la norme, mais si vous en avez l’occasion, sautez dessus.
- Réduire les déchets en amont : une bonne préparation évite bien des surprises. Commander la juste quantité de matériaux, éviter les coupes inutiles, anticiper les contraintes techniques… gestion fine = gaspillage limité.
Une anecdote de terrain : sur un chantier à Lausanne, une planification revue a permis d’économiser deux rotations de camion par semaine pendant deux mois. Vous imaginez l’impact immédiat ? Et pourtant, cela ne tenait qu’à une coordination un peu plus serrée.
Penser économie circulaire
Un chantier peut aussi être une formidable plateforme d’économie circulaire. Là où certains voient des gravats, d’autres voient des ressources. C’est une question de regard… et de réseau !
Voici quelques pratiques à adopter :
- Identifier ce qui peut être réemployé : pans de murs, menuiseries, planches, tuiles… Une dépose soignée permet une seconde vie.
- Collaborer avec des plateformes de réemploi : il en existe de plus en plus en Suisse romande. Elles récupèrent, stockent et proposent à la vente des matériaux issus de déconstruction.
- Anticiper la déconstruction dès la conception : penser démontable, séparable, réversible… Cela peut sembler futuriste aujourd’hui, mais ce sera bientôt la norme.
Sans oublier que ce qui ne peut pas être réemployé peut souvent être recyclé correctement. Le tri des déchets en fin de chantier est parfois négligé… et pourtant, c’est la cerise bas carbone sur le béton !
Favoriser les savoir-faire locaux et artisanaux
Là où beaucoup pensent rendement et productivité, je vous invite à penser précision artisanale. Travailler avec des entreprises locales et des artisans qualifiés, c’est moins de transport, mais surtout, c’est aussi souvent moins de rebuts, de reprises et de mal-façons.
Un carreleur appliqué gaspille peu. Un menuisier rigoureux optimise ses chutes. Un peintre formé aux techniques naturelles utilisera des produits respectueux de la santé et de l’environnement. Les ressources humaines sont elles aussi un levier carbone… souvent sous-estimé.
Et puis, c’est mieux pour l’ambiance du chantier ! N’est-ce pas agréable, un chantier où l’on parle le même dialecte ?
Favoriser les énergies renouvelables pendant le chantier
Et si le chantier lui-même devenait un laboratoire énergétique ? Certains projets pionniers installent des mini-centrales solaires temporaires le temps de la construction. Cela n’est pas encore courant, mais avec un peu d’imagination et de volonté, c’est un cap intéressant à viser.
À défaut, limiter l’utilisation de générateurs diesel fonctionne aussi. Parfois, une simple prise sur le réseau existant (avec accord du propriétaire ou des voisins) suffit à faire baisser la jauge d’émission.
Et pourquoi ne pas organiser des sessions de sensibilisation carbone pour les équipes du chantier ? Un collègue informé est souvent plus coopératif. Moins de moteurs qui tournent à vide, moins de chauffage intempestif des baraques de chantier… Moins, c’est mieux.
Ne pas oublier l’aménagement intérieur
Quand on pense chantier, on s’arrête souvent à la sortie des artisans. Pourtant, l’équation carbone continue dans la décoration intérieure : mobiliers neufs vs récup, finitions écologiques, peintures sans solvants, intégration durable des équipements…
Un canapé XXL en mousse polyuréthane importé d’Asie a une empreinte bien différente d’une banquette chinée et retapée par un artisan local. De même, les peintures naturelles à base d’argile, de chaux ou de caséine peuvent remplacer les classiques acryliques (souvent dérivés du pétrole).
La cohérence entre conception, réalisation et aménagement, c’est un triptyque indissociable pour un projet vraiment bas carbone.
Mesurer, analyser et s’améliorer
Enfin, rien ne vaut la mesure. Si on ne mesure pas, on ne sait pas. Et si on ne sait pas, on ne peut pas progresser.
De plus en plus d’outils permettent aujourd’hui de calculer l’empreinte carbone d’un chantier ou d’un matériau (comme One Click LCA ou Karbon). Ne vous privez pas de ces indicateurs pour ajuster vos choix et sensibiliser vos clients.
Certains projets vont plus loin, en obtenant des certifications environnementales (Minergie-ECO, SNBS, BREEAM, etc.) qui intègrent la dimension carbone. Ce n’est pas une obligation, mais dans certains cas (immeubles, lieux publics), cela devient un véritable atout de valorisation.
Et n’oubliez pas : chaque gramme de CO₂ évité est une victoire – surtout lorsque c’est multiplié par plusieurs tonnes.
Alors, prêt·e à envisager votre prochain chantier sous un nouvel angle ? Réduire l’empreinte carbone ne veut pas dire réduire vos ambitions – au contraire. C’est construire différemment, de manière plus intelligente, plus respectueuse, et souvent, plus inspirante.
Et si on construisait mieux… pour respirer mieux ?