Réemploi de matériaux sur chantier : une tendance en plein essor

Réemploi de matériaux sur chantier : une tendance en plein essor

Le réemploi de matériaux : une (r)évolution sur nos chantiers

Et si chaque mur abattu devenait une opportunité créative ? Le réemploi de matériaux dans les projets de rénovation et de construction est bien plus qu’une simple tendance passagère : c’est un véritable changement de paradigme dans notre façon de penser le bâti. Écologique, économique, et souvent source de caractère, il séduit aussi bien les professionnels du bâtiment que les particuliers soucieux de leur impact environnemental.

Vous l’avez sûrement remarqué : aujourd’hui, les tomettes d’origine, les poutres anciennes ou les vieilles briques patinées ne s’envolent plus à la benne. On leur donne une seconde vie. Sur les chantiers, les matériaux racontent désormais une histoire – et c’est précisément cette narration qui séduit de plus en plus.

Pourquoi le réemploi a-t-il le vent en poupe ?

Plusieurs raisons expliquent cette montée en puissance du réemploi :

  • Une prise de conscience écologique. Réutiliser, c’est limiter l’extraction de ressources naturelles et réduire les déchets de chantier, souvent volumineux.
  • Un gain économique. Réinjecter des matériaux existants permet de faire baisser la facture globale d’un projet, surtout dans un contexte où les prix des matériaux ne cessent d’augmenter.
  • Un cachet unique. Qui n’a jamais rêvé de parquet ancien ou de carreaux de ciment à l’authenticité inimitable ? Le réemploi offre des pièces singulières, parfois introuvables dans le commerce traditionnel.

Au fond, on le sent tous : construire autrement, c’est construire mieux. Et cette exigence s’invite désormais dans les phases mêmes de conception et de démolition.

Quels matériaux peut-on réellement réemployer ?

La réponse la plus honnête serait : bien plus qu’on ne le pense ! Souvent, sur nos chantiers, on passe à côté de trésors simplement par manque de temps ou d’information. Voici quelques familles de matériaux couramment réemployées :

  • Les bois anciens : poutres, planchers, lambris… le bois vieilli est à la fois robuste et esthétiquement chargé de charme. Il peut être sablé, re-coupé, transformé en mobilier ou utilisé tel quel dans des projets créatifs.
  • Les briques, pierres, ardoises : nettoyées et reconditionnées, elles servent à nouveau dans des murs, des aménagements extérieurs ou des sols.
  • Les menuiseries anciennes : portes, fenêtres, volets. Avec quelques ajustements, ces éléments s’intègrent parfaitement dans une rénovation contemporaine à esprit vintage.
  • Les appareils sanitaires ou luminaires : certaines pièces de bonne facture peuvent être nettoyées, réparées ou modernisées (imaginez une vasque rétro détournée ou une applique années 30 remise au goût du jour… irrésistible !).
  • Les carreaux de ciment, tomettes ou faïences : ils sont souvent démontés avec soin, classés par motif ou couleur, puis remontés dans un nouveau projet. Le rendu est souvent bluffant.

Bien entendu, tout le monde n’a pas un entrepôt à disposition pour stocker les trouvailles. Mais de plus en plus de plateformes digitales et de réseaux locaux d’architectes, artisans et démolisseurs facilitent cette synergie vertueuse.

Le chantier : une mine d’or insoupçonnée

Il y a un détail que j’ai appris durant mes années en entreprise de rénovation : la plupart des matériaux réemployables finissent à la benne… faute d’anticipation. Le secret pour tirer parti du réemploi ? Préparer dès en amont le « diagnostic ressources ». En d’autres termes : identifier ce qui peut être sauvé, et lui réserver une seconde vie.

J’ai encore en tête ce chantier dans une ancienne maison de maître à Vevey. L’équipe voulait tout déposer rapidement mais en prenant le temps d’inspecter planchers, huisseries, moulures, on a pu récupérer près de 60 % des éléments pour les redistribuer sur plusieurs projets. Le plus amusant ? Une porte en chêne de près de 80 ans s’est reconvertie en tête de lit sur un projet d’aménagement à Lausanne. Élégance et histoire, dans un seul objet.

Réemploi ne veut pas dire improvisation

Une idée reçue circule souvent : réutiliser des matériaux, c’est bricoler avec des bouts de rien. Eh bien… pas du tout. Le réemploi exige rigueur et expertise. Il faut savoir :

  • Identifier les matériaux stables, sains et adaptés à leur future utilisation ;
  • Organiser leur démontage avec méthode pour ne pas les détériorer ;
  • Les stocker correctement en attendant leur réutilisation ;
  • Assurer leur conformité aux normes en vigueur (notamment sécurité incendie ou isolation, dans certains cas).

Heureusement, certains artisans suisses se spécialisent dans le traitement de ces matériaux anciens. Il existe aussi des menuisiers, ferronniers ou carreleurs qui ont une vraie sensibilité pour le réemploi, et qui aiment relever le défi d’intégrer ces pièces dans des contextes modernes.

Un lexique à s’approprier

Plutôt que de parler « déconstruction », certains parlent aujourd’hui de « dépose soignée ». Le mot n’est pas anodin : il reflète cette nouvelle attention portée à la matière. D’autres termes émergent :

  • Upcycling : transformer un élément voué à la poubelle en un objet de valeur (par exemple, faire une bibliothèque avec des volets anciens).
  • Reconditionnement : mise à niveau technique d’un composant pour lui redonner une fonctionnalité conforme (ex : refaire les joints d’un chassis de fenêtre ancienne).
  • Recyclage architectural : intégration volontaire de matériaux réutilisés comme parti pris esthétique et structurel.

En somme, le chantier devient lui-même un acteur créatif, un laboratoire d’expérimentation pour des solutions plus durables.

Des initiatives inspirantes en Suisse

La Suisse n’est pas en reste côté innovation. On peut notamment citer :

  • Rotor Deconstruction : une entreprise spécialisée dans la récupération d’éléments issus de bâtiments voués à la démolition, en particulier dans la région romande.
  • Matériuum : un réseau dédié au réemploi de matériaux, notamment dans la région genevoise, très actif auprès des artisans et designers.
  • La bourse aux matériaux : certaines communes et associations mettent en place des espaces d’échange ou de dépôt-vente des matériaux récupérés.

Et chez les particuliers ? De plus en plus de propriétaires deviennent acteurs de cette dynamique : ils demandent à leurs entrepreneurs de conserver certains éléments, ou font appel à des architectes sensibles à ces enjeux. Cela devient même un argument esthétique et éthique dans un projet d’intérieur… et dans l’air du temps, cela fait franchement sens.

Intégrer le réemploi dans un projet déco : par où commencer ?

Rassurez-vous, nul besoin de refaire une maison entière pour adopter le réemploi. Parfois, un seul détail suffit. Voici quelques pistes simples mais impactantes :

  • Installer un plan de travail en bois ancien dans la cuisine pour une chaleureuse touche rustique ;
  • Choisir un lavabo ancien émaillé pour une salle de bain pleine de personnalité ;
  • Utiliser des luminaires chinés ou restaurés pour un point focal déco ;
  • Réaliser un mur en briques de récupération dans une entrée ou un salon pour un effet loft industriel ;
  • Détourner des volets bois en panneaux décoratifs ou dans une tête de lit.

L’important est de choisir des éléments qui vibrent pour vous. Un matériau peut évoquer une ambiance, un souvenir, un contraste… Cela devient alors un vrai parti pris déco, et non une simple récupération opportuniste.

Et demain ?

Le réemploi de matériaux a commencé comme une pratique marginale, mais il tend à devenir un levier stratégique de conception. Dans le futur, pensons-nous toujours nos habitats comme des assemblages éphémères de matières transformables ? Certainement.

La bonne nouvelle, c’est que cette mutation ne sacrifie ni le style, ni le confort. Au contraire : elle ouvre une infinité de possibles créatifs, tout en respectant ce que notre environnement a de précieux. Une déco intelligente, consciente et esthétique… qui peut dire non à ça ?

Et vous, quel matériau aimé donneriez-vous une deuxième vie chez vous ?